Les traditions de Noël en Périgord
ans son ouvrage Jacquou le Croquant publié en 1899, Eugène Le Roy décrit Noël et sa veillée sainte pendant laquelle on récitait des contes d'autrefois et où les chants résonnaient. Au château, il y avait ripaille alors que dans les fermes environnantes, on s’apprêtait à manger quelques morceaux de boudin.
« Lorsque nous sortîmes en foule (de la messe de minuit), tout ce monde babillait, échangeant ses impressions. ...Ma mère s'en fut allumer notre falot à la cuisine dont la porte ouverte flambait au bas de l'escalier de la tour. Quelle cuisine ! Sur de gros contre-hâtier de fer forgé, brûlait un grand feu de bois de brasse devant lequel rôtissait un gros coq d'Inde au ventre rebondi, plein de truffes qui sentaient bon... Deux grils étaient là aussi, chargés, l'un de boudins, l'autre de pieds de porc, tout prêts à être posés sur la braise... Il y avait encore sur cette table des pièces de viande froide et des pâtés qui faisaient plaisir à voir dans leur croûte dorée ».
Au début du XXe siècle, avant de partir à la messe, la bûche était placée dans l'âtre, en prenant mille précautions pour que l'on ne la retrouve pas éteinte au retour car cela serait un mauvais présage. Mais au contraire, si elle durait longtemps, le bonheur était garanti pour toute la famille. Dans certains villages, on jetait un morceau de pain dans le puits afin que l'eau ne tarisse pas. Mais quelle joie pour les enfants, à leur retour de l'église, de trouver près de la cheminée une orange, parfois une poche de pralines ou dragées, dans les familles les plus aisées une vraie poupée, une vraie de chez le marchand. L'oie de Noël, dorée et juteuse à point, est prête pour le souper. Et il y a des boudins, il y a des saucisses et dans une cocotte gazouille un ragoût aux senteurs alléchantes. Avec les massepains et le vin nouveau, quel bon réveillon cela va faire !
Les petits Périgourdins ont mis leurs sabots dans l'âtre et si demain ils ne trouvent pas de jouet, les « povres » comme les heureux enfants des villes, il y aura tout de même dans les petits sabots des sous et des oranges, fruits d'or merveilleux qui gardent leur prestige parce qu'ils viennent de si loin, si loin, pourquoi pas du Paradis ?
Noël 1939 à Saint-Pierre-de-Chignac
Les petits Alsaciens réfugiés dans notre Périgord ont apporté leurs traditions. « les copains alsaciens ont dans leur classe un sapin, un vrai et beau sapin, Mme Julien, leur institutrice l'a décoré de bandes de tissu et de papier de diverses couleurs et de boules ! C'est magique, les enfants chantent des chants de Noël et les grands présentent une saynète à partir d'une histoire du livre de lecture. De plus la mairie sert à tous un cacao chaud et une tranche de Kougelhof préparé par les mamans. » Quelles surprises pour les petits Périgourdins !
Quelques décennies après, un vrai rôti de fête, l'oie de Noël, elle dore tranquillement et embaume toute la maison, mais aussi l'enchaud,ce carré de porc cuit dans sa graisse salé, poivré et piqué d'ail, sans oublier son accompagnement : les célèbres châtaignes, blanchies ou rôties. Enfin la bûche pâtissière avec sa célèbre crème au beurre, sans oublier les gâteaux de famille, les tartes aux prunes, aux pommes sont servis sur la nappe blanche avec la belle vaisselle en porcelaine où brillent les verres en cristal. Quelques bouteilles vénérables sont sorties de la cave au grand bonheur des convives.
Au pied du sapin, parfois près d'une crèche, s'amoncellent les cadeaux enveloppés dans de somptueux papiers colorés. Les enfants sont ravis et crient Noël ! Noël !
Huguette Bonnefond
Marie-France Bunel
Pour aller plus loin :
Bulletin de la Shap 1876 p. 215. Un noël en Périgord avec un cahier manuscrit de 69 couplets ou quatrains en patois périgourdin de 1757. Ce cahier a été retrouvé parmi les registres paroissiaux de l’état civil de la commune de Condat-sur-Trincou près de Brantôme. Cliquez ici pour lire l'article
Bibliographie
- Cartes postales : collection privée
Photo mapping cathédrale Saint-Front
Gravure de Maurice Albe : Science de Gueule en Périgord – Georges Rocal et Paul Ballard
Jacquou le Croquant d'Eugène Le Roy
La cuisine rustique au temps de Jacquou le Croquant de Guy Penaud et José Corréa
Vieilles coutumes dévotieuses et magiques du Périgord de Georges Rocal
Recettes périgourdines de nos grands-mères de Marie-Pierre Mazeau- Janot et Louis Gildas
Bulletin de la SHAP 2019 page 552 « Les évacués alsaciens à Saint-Pierre-de-Chignac » de Jeannine Rousset
Le Périgord gourmand de Fulbert Dumonteil